Le cercle littéraire des amateurs d'épluchures de patates
auteur : Mary Ann Shaffer et sa nièce, Annie Barrows.
Ce livre aura été le premier et le dernier livre de M.A. Shaffer; passionnée par la littérature et les îles anglo-normandes, elle est malheureusement décédée peu de temps après avoir sû que son livre allait être édité et traduit en plusieurs langues...et connaître un grand succès.
Cette histoire se passe en angleterre peu de temps après la seconde guerre mondiale qui l'a ravagée de ses bombes. Le livre est entièrement rédigé sous forme de lettres et de courriers rapides entre les différents protagonistes; nous suivons principalement la vie de Juliet, rendue célèbre par sa plume virulente qui a sû faire oublier la guerre au peuple anglais en sachant avec talent tourner les choses à la dérision. Mais la guerre est maintenant finie, et Juliet voudrait écrire un livre qui tranche complètement avec ses personnages maintenant connus et reconnus.
Un beau jour, elle reçoit une lettre d'un certain Dawsey Adams, habitant de Guernesey qui aurait en sa possession un de ses anciens livres dans lequel elle avait inscrit son nom et son adresse. Ayant apprécié le livre sus-dit, il lui demande notamment une adresse de libraire londonien afin de se procurer d'autres ouvrages de l'auteur et des références d'oeuvres.
Commence dès lors une correspondance assidûe entre Juliet et Dawsey, dans laquelle nous découvrons l'histoire terrible des habitants des îles anglo-normandes qui ont, elles, été occupées par les nazis. Rapatriement des enfants en angleterre à l'approche des navires, abandon par les troupes anglaises, restrictions alimentaires, déportation... tout est abordé par Dawsey avec un ton léger et ironique dans lequel on sent malgré tout le poids et la souffrance de l'humiliation et de la perte d'amis chers.
Rapidement, Dawsey parle de ses amis, ceux du cercle littéraire des amateurs d'épluchures de patate créé à l'occasion d'un malheureux et comique incident : il était interdit à Guernesey de manger la viande, réservée aux troupes allemandes. Toutefois un soir en tout illégalité, Mrs Maugery, la voisine distinguée de Dawsey décida d'organiser une soirée "mondaine" (ils sont pour la plupart paysans et petites gens) où on mangerait un cochon roti et une tourte aux épluchures de patate. La soirée étant fort agréable, les convives oublièrent rapidement l'existence du couvre feu.
"...et quand Elizabeth McKenna a suggéré qu'il valait mieux regagner nos pénates plutôt que de trainer toute la nuit dans le petit salon d'Amélia, nous lui avons donné raison. Cependant manquer le couvre-feu était un acte répréhensible - j'avais entendu parler de personnes envoyées dans des camps pour cela -, et dissimuler un cochon était un crime plus grave encore. Aussi avons nous décidé de couper à travers champs le plus silencieusement possible."
Malheureusement, un homme de leur petit groupe, saoûl comme il faut, entonna une chanson. Ils se firent arrêter par une patrouille d'allemands.
Elizabeth McKenna prise d'inspiration subite expliqua à l'officier qu'ils n'avaient pas vu l'heure passer parce qu'ils discutaient d'un livre fameux à leur réunion du cercle littéraire de Guernesey; s'il souhaitait lire le livre et venir une fois, pas de soucis ! L'officier leur demanda leurs noms et accepta l'excuse, les laissant partir.
Pour maintenir la crédibilité de cette histoire farfelue, ils s'imposèrent de vraiment créer le cercle des amateurs de littérature et d'épluchures de patate; rapidement cela devint un véritable plaisir, et le cercle devint réel.
Ce livre est merveilleux de base, et il fait partie de l'élite des livres que j'ai eu l'occasion de lire à voix haute. C'était l'été dernier, en Dordogne, blottie dans mon duvet en tenant la lampe torche qu'il fallait recharger toutes les 10 min par deux ou trois coups de manivelle. A côté de moi il y avait Werschu et un peu plus loin, Elodie.
En lisant ce livre, on riait et on souriait à la plupart des anecdotes sur les habitants de Guernesey, très sympathiques, sans se méprendre sur le fond horrible de leurs conditions de vie dont ils s'accomodaient du mieux qu'ils pouvaient. A un passage du livre, lorsque Dawsey explique la déportation d'un de ses amis, on s'est mises à pleurer comme des madeleines; autant les filles pouvaient pleurer en silence, autant moi en lisant c'était ridiculement grillé. Ce livre est poignant d'émotions, il respire vraiment le vécu. C'est pour cela que j'ai été vraiment déçue d'apprendre que l'auteur n'a pas vécu la guerre là bas, ni même en angleterre. Elle est américaine. Elle avait un pouvoir d'écriture impressionnant, et je déplore qu'elle soit décédée sans avoir écrit d'autres oeuvres tant on plonge dans l'histoire à corps perdu.
C'est un excellent livre, très facile à lire, rendu vivant par le style épistolaire.
A lire !