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23 juillet 2013 2 23 /07 /juillet /2013 16:58

Mutation vers un site wordpress : http://ellislynen.free.fr/

 

A bientôt  !

 

- le blog s'autodétruira bientôt !-

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12 mai 2013 7 12 /05 /mai /2013 13:09

Alors, il semblerait d'une part que je ne parle pas assez de moi sur mon blog - dixit les parisiens - et d'autre part que mes collègues arrivaient à oublier le boulot en revenant chez eux, avant de m'avoir comme amie facebook. Mais ça, c'était avant. DONC voilà, je vais parler de moi moi moua MOUA. Et pas de sage-femme.

Rien d'exceptionnellement intéressant, j'ai comme souvent envie de partir. Le projet de 2013 est d'aller au Brésil en Octobre. Je commence à étudier le programme. Et j'ai déjà quelques soucis.

 

 

 

 

1. Au Brésil on parle Portugais.
Comme vous le constatez dans cette video introductive, le portugais ne ressemble pas du tout à l'espagnol.
En parlant de cette video, les plus malins auront grogné à leur compagnon "N'importe quoi... regarde moi ça! La route d'El Dorado ne parle pas du tout de portugais, mais d'espagnols! Et la civilisation maya n'était pas au Brésil mais au Mexique!" Mais on s'en moque, vous avez normalement aussi peu de culture que moi et vous ferez gentiment l'amalgame pour me faire plaisir. De loin, ça parle voyage, amérique du sud, soleil et végétation luxuriante.
Donc l'espagnol et le portugais se ressemblent autant que le français et l'italien; on arrive à comprendre à l'écrit. A l'oral, c'est essayer de broyer des noix avec une aiguille à tricoter. Si on me perd, je suis mal barrée, avec mon espagnol scolaire et mon anglais grammaticalement incorrect.
 
2. Le Brésil est de l'autre côté de l'Atlantique.
C'est bête, mais pour l'instant j'ai traversé que la Manche de toute ma vie. J'aime bien l'idée d'être sur le même bout de terre que ma maison et ma famille. Bon là, il y aura les amis pour me tapoter sur l'épaule et essuyer mes gouttes de sueur d'angoisse dans l'avion pendant les 12h de vol, il faut donc compter 6 rouleaux de sopalin en plus des bagages.
12h quoi. Ok, ayé, j'ai peur.
12h d'avion.
Il faudra forcément que je me lève à un moment pour aller faire pipi.
Mon dieu.
 
3. Et si je fais une réaction allergique là bas?
Cacahuète = Amendoim
Je sais même pas comment ça se dit phonétiquement. Bordel.
 

4. Je n'ai pas  un corps de rêve.
http://morisset.files.wordpress.com/2010/05/rio003.jpg
...et je suis blanche comme un cul. Merde alors, j'vais à la plage en Bretagne moi, j'y vais en pull et Kway.
ET IL EST HORS DE QUESTION que je mette un maillot de bain comme ça.
Non mais ça va pas.
 
 
 
 
 
 
 
5. Néanmoins, je veux bien faire un effort...

http://www.veryworldtrip.com/wp-content/uploads/2013/01/Tong-sur-la-plage-Drapeau-Bre%CC%81sil.png
Sophie, Maïté, nous voilà !
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5 mai 2013 7 05 /05 /mai /2013 09:36
http://www.ordre-sages-femmes.fr/NET/img/upload/2/1599_AFFICHE-CAMPAGNE-Une-sage-femme-leur-a-sauv%C3%83%C2%A9-la-vie.jpgLe 5 mai célèbre la Journée Internationale de la Sage-femme.
Partout dans le monde, des femmes deviennent mères, des enfants naissent. Leur santé nous tient à coeur, de même que leur bien-être émotionnel. Partout dans le monde, les conditions entourant cet événement peuvent être difficiles, chacune à leur échelle.

L'International Confederation of Midwives souligne le rôle essentiel des sages-femmes auprès des femmes.
 
 

Pour appuyer l'appel de l'ICM, dix bloggueuses et blogueurs sages-femmes ont imaginé un monde où leur profession n'existerait pas...

... Et voici ma version.
    
 

Cela devenait difficile. Elle n'arrivait plus à marcher avec ses contractions et son petit de 2 ans sur le dos. En grimaçant, elle appela l'homme pour qu'il s'arrête, même s'il n'était que peu après midi. Il lui lança un regard, et en silence posa son paquetage, l'air ennuyé.

Il était ennuyé parce que rien ne s'était passé comme prévu. Ils auraient dû partir bien plus tôt ce matin, si ces hyènes n'avaient pas chipé la viande qu'ils avaient mit à sécher pendant la nuit; d'habitude elles restaient loin mais cette fois ci la famine les avaient poussé à plus d'audace. Résultat, il avait fallu commencer la marche par une chasse aux lagopèdes qui s'était révélée peu fructueuse. Et ils arrivaient sur la fin de leurs réserves de baies.

Il était d'autant plus ennuyé que sa compagne commençait son travail. Cela signifiait qu'ils allaient devoir établir un campement ici quelques jours le temps qu'elle fasse naître leur deuxième enfant, et qu'il allait devoir la laisser seule pendant qu'il irait chercher de quoi assurer leur subsistance pour eux trois.

 

Treïa dénoua les noeuds que sa propre mère lui avait appris pour porter les enfants, et se pencha en avant pour faire glisser doucement le petit, qui émit quelques gloussements. Il adorait ce moment. Au moins autant que quand sa mère le faisait monter. En soufflant, elle posa ensuite son paquetage de fourrures, sa corne qui contenait une petite réserve d'eau, sa lance et sa fronde, ainsi que le sac où elle avait récolté quelques fruits pendant leur marche. Elle était un peu inquiète, car pour son premier sa mère était encore de ce monde et lui avait expliqué comment compter les lunes, savoir que c'était le jour et les rites compliqués pour assurer la sauvegarde de l'enfant. Elle ne se souvenait pas de tout.

En faisant des pauses, elle s'éloigna lentement de son fils et de son homme pour s'adosser à une pierre moussue. Elle savait qu'elle devait perdre les eaux à un moment, mais cela tardait à venir, par rapport à son premier. Son ventre était beaucoup plus gros, promesse d'un enfant en pleine forme, et cela la réjouissait. Il sera vaillant. Cela se voyait aux coups puissants qu'il lui donnait sous les côtes. Son fils vint s'installer à côté d'elle en réclamant à boire. Elle dénuda son sein et le lui tendit, et il se jeta dessus avec voracité. Son ventre se serra d'autant plus. Elle fit une petite grimace devant ces contractions plus fortes qui faisaient monter et descendre son ventre toutes les 2 ou 3 minutes. Elle fut tentée d'envoyer valser son fils pour avoir moins mal, mais elle savait que le petit avait faim, et que plus le ventre est dur, plus vite l'enfant sort du ventre. Elle avait bien fait de s'arrêter en tout cas, car même si la douleur était supportable et ne lui arrachait aucun cri, elle lui coupait le souffle.

 

Ereldur observait sa femme et son fils. Les femmes donnent la vie, ce n'est pas quelque chose dont eux les hommes doivent s'occuper. Cela porte malheur. Mais il était inquiet, car peu à peu il s'était attaché à cette femme qui travaillait dur et savait chasser, et il n'y avait aucune femme avec elle pour l'accompagner et s'occuper du garçon. Il commença à monter l'abri en croisant et en entrelaçant les tiges frêles d'un bosquet de jeunes saules. Il défit les paquetages, en tira les peaux graissées et les attacha avec plusieurs petits noeuds en constatant qu'ils devraient bientôt s'atteler à les passer à la graisse car elles commençaient à durcir. Puis une fois l'abri monté, il ramassa tous les petits cailloux ronds qu'il pouvait trouver alentour pour en remplir sa réserve. Il jeta un coup d'oeil à sa femme qui soufflait et qui venait d'envoyer une tape sur la tête de leur fils pour qu'il aille jouer plus loin.


Le pauvre garçonnet ne comprenait pas pourquoi sa mère le rejettait ainsi. Il commença à pleurer. En soupirant, Ereldur se leva pour aller attraper l'enfant, qu'il coinça sous son bras.

« Treïa, il faut que j'aille chasser. Combien de temps tes douleurs vont durer? Demanda-t-il avec un soupçon de gêne à l'évocation même des contractions de l'enfantement.

- Je ne sais pas. Les ombres ont encore du temps pour s'allonger je pense, répondit-elle alors que des gouttelettes de sueur commençaient à perler sur son front, traçant des rigoles dans la poussière qui recouvrait son visage.

- Les environs sont sûrs, il n'y a aucun passage de prédateurs. Garde ta lance, on ne sait jamais.

- Oui. Va chasser. »


Ereldur donna un gros baton à son fils en lui demandant de retirer l'écorce avec un petit silex émoussé. Il s'attaqua à la tâche avec enthousiasme et un peu de hasard. Il essayait de s'appliquer, car c'était rare que son père s'intéresse à lui.

Décidément, ce jour était spécial.

------------------------------

Son homme était parti depuis quelques temps maintenant, et Treïa était de plus en plus inquiète. Elle ne voulait pas que son fils voit l'accouchement, qui commençait à se préciser : elle sentait que son bébé avançait dans son bassin maintenant, lentement mais sûrement. Ca appuyait de plus en plus, et elle ne pouvait pas s'empêcher de pousser en grognant les fois les plus fortes. Il n'en restait pas moins qu'elle ne se souvenait pas que c'était si long! L'enfant avait depuis longtemps abandonné le bout de bois dépouillé de son écorce et jouait à recouvrir ses jambes dans une flaque de boue ombragée un peu plus loin. Dans un effort surhumain, elle se leva en gémissant, ayant décidé de mettre l'enfant dans l'abri et de fermer la porte de cuir, car elle sentait que bientôt elle ne pourrait plus le surveiller. Elle l'attrapa et lui ordonna de dormir. Sans un mot, l'enfant fatigué s'allongea dans les fourrures, comme s'il avait compris que ce n'était pas le moment de discuter.

La femme, quant à elle, s'était saisie d'une peau jaune et douce qu'elle avait tannée et tannée encore il y a de cela quelques semaines. Elle avait dans une poche de son vêtement 3 petits lacets teintés de rouge qu'elle devra serrer sur le cordon avec des noeuds particuliers qu'elle avait répété tous les jours depuis la dernière lune, dans le doute. Elle avait aussi dans la même poche une lame de silex affutée pour couper le cordon. Ca ne se fait pas normalement, mais on ne sait jamais.

Après s'être écroulée le long de la pierre moussue qui avait eu sa prédilection elle commença à paniquer. Pourquoi ça n'avançait pas? Sur une contraction plus dure que toutes les autres elle se mordit le bras jusqu'au sang pour que son fils n'entende rien alors que les larmes lui montaient aux yeux. Elle se mit accroupie, soutenue dans le dos par la pierre et se mit à pousser de toutes ses forces. Ca lui faisait du bien quand elle poussait.

 

Après encore 20 contractions, son bébé n'était toujours pas là. L'épuisement avait remplaçé toute autre émotion. Elle avait mit ses doigts en bas pour voir, mais elle n'avait pas senti les cheveux de son enfant, et cela l'avait fait pleurer en silence. Elle voulait que sa mère soit là, elle voulait que tout s'arrête. Elle n'avait toujours pas perdu les eaux et ne savait pas quoi faire.

C'est à ce moment qu'Erneldur revint, le sourire aux lèvres, s'attendant à la trouver avec leur enfant. Il aurait bien aimé une fille cette fois. Qui serait aussi belle que Treïa. Il avait attrapé deux gros lapins à la fronde, et il en était très soulagé. C'était un problème de réglé. Mais quand il vit que non seulement sa femme n'avait toujours pas accouché, mais qu'en plus elle pleurait alors que les larmes n'étaient normalement dédiées qu'aux cérémonies de passage vers l'après, la peur le saisit au ventre.

« Treïa? Où est le garçon?

- Dans la tente. Il dort. Souffla-t-elle, le visage rouge.

- Je... je peux t'aider? »

La proposition était aussi inconvenante que stupide, Treïa n'était pas habituée à cela de la part d'Erneldur. Elle siffla de dédain, faisait rougir son homme qui se dirigea vers la tente en se demandant bien ce qui lui avait prit. Il jeta un coup d'oeil dans l'abri en constatant que l'enfant dormait à poing fermés. Il se saisit d'un racloir et d'un silex affuté. Normalement c'était le travail de Treïa d'appréter les peaux et de préparer la viande, mais il avait surtout envie de faire quelque chose. Tant pis, ça sera mal fait. Elle ne lui en voudra pas. Il tourna le dos à la femme pour ne pas voir la suite, mais restait attentif à ses gémissements.

 

L'arrivée d'Erneldur l'avait fait se ressaisir. Elle décida de faire venir les eaux. Elle retoucha en bas et finit par sentir la poche des eaux, molle et souple, au milieu de sa propre peau. Un peu effrayée, elle essaya de tirer dessus, mais elle était gênée par son ventre et n'arrivait pas à crocheter cette membrane molle. En revanche, elle sentait bien que cela devenait plus dur pendant les contractions. Elle décida donc de tenter le tout pour le tout et d'utiliser la petite lame affutée pour percer cette poche, un peu comme quand elle perce les boyaux des animaux. Elle espérait de tout coeur ne pas se tromper et ne pas percer un de ses propres boyaux. Normalement, il n'y a pas le droit de toucher l'intérieur, car c'est sacré. Mais au diable le sacré, elle n'en pouvait plus.

En priant l'esprit de la pierre moussue qui la soutenait depuis le début, elle perça la poche des eaux. Aussitôt, avec le flot de liquide vert qui vint abreuver l'humus noir de la forêt, elle sentit son bébé descendre, lui arrachant un cri de surprise qui fit sursauter Erneldur un peu plus loin. En retouchant en bas, parmis les eaux qui continuaient de couler, chaudes, elle sentit les cheveux frisés de l'enfant. Elle sourit pour elle-même. Et poussa de plus belle. Avec un deuxième cri, la tête de l'enfant sortit.

 

Elle se mit à rire de joie. Elle y était arrivée. Dans son souvenir, la suite était simple! Elle poussa, poussa, et poussa encore. Mais il ne sortait pas. Toujours pas. De longues minutes s'étaient déroulées maintenant, et elle paniquait à nouveau. Pourquoi rien ne se passait comme prévu? Avec un cri de rage, elle poussa si fort qu'elle entendit un craquement, comme une branche verte qui se brise, nette et précise, en deux. Cela débloqua quelque chose. Elle repoussa, encore et encore, les larmes se remettant à couler au milieu de la sueur. Il devait sortir maintenant, ce n'était pas normal ! En dépit des choses, elle attrapa à deux mains la tête de l'enfant qui était maintenant bleu violette et tira un peu dessus, dans un sens, dans l'autre. Finalement, après encore quelques minutes, elle parvint à sortir l'enfant. Elle l'attrapa, se saisit de la peau jaune et frictionna l'enfant pour le sécher. C'était une fille. Elle sourit. Comme Erneldur le voulait. Et frotta de plus belle. Elle savait bien que les enfants mettaient du temps à passer dans notre monde, et qu'il fallait les frotter avec de la peau jaune pour leur donner la couleur rose des hommes.

Mais comme pour tout le reste, cela durait trop longtemps. Le corps restait désespérément inanimé. Peut-être qu'elle avait laissé son âme à l'intérieur. Peut-être que le fait d'avoir percé les eaux alors qu'elle n'en avait pas le droit avait aspiré le corps de la petite en laissant en arrière son esprit. Treïa commença à ressentir une énorme culpabilité peser sur ses épaules. C'était de sa faute.

 

Alors qu'elle commençait à désespérer parce que l'enfant ne criait toujours pas, la petite toussa une fois, deux fois, puis se mit à crier faiblement. Seul son visage s'animait, le reste de son corps encore bleu restait immobile. Puis petit à petit, à force de friction, il rosit. Puis commença à bouger. Sa mère souriait sous le coup de la plus grande joie qu'elle ressentait de sa vie. Vite, elle fit les noeuds sur le cordon en s'emmêlant les doigts sous l'empressement. Elle n'avait pas le droit de parler aux hommes tant que le placenta n'était pas sorti. En bas, ça commençait à saigner, c'était bon signe. Le placenta allait venir.

Elle colla la petite sur son sein pour qu'elle tête, mais elle ne faisait que crier pour le moment. Elle regretta que son fils soit dans la tente en train de dormir, car il aurait pu têter et faire durcir son ventre pour que le placenta sorte. Elle haussa les épaules et recommença à pousser. Ca coulait de plus belle. La terre absorbait goulument les saignements. A cet endroit elle planterait dès demain des graines de baies, car la terre était très fertile là où un enfant était né.

 

Erneldur ne pouvait nier qu'entendre Treïa rire et son enfant crier le soulagea énormément. Les femmes mourraient parfois pendant les accouchements! Et les enfants ne passaient pas toujours dans notre monde. Il sourit. Il avait arrêté de dépecer le lapin et se retenait de se retourner. Dans une tribu, il aurait été bien loin de tout ça, les hommes partaient toujours chasser quand les femmes donnaient la vie, et une chasse heureuse portait chance à l'enfant. Mais laisser Treïa seule l'avait tant embêté qu'il avait sacrifié la fin du rituel, se contentant de deux lapins au vu du contexte. Maintenant il trépignait d'envie de voir son enfant et d'embrasser sa femme.

Mais il devait patienter.

 

Ca saignait, ça saignait.

« Allez tête ma petite, vas-y, qu'attends-tu? Regarde, le lait arrive. »

Mais la petite ne voulait pas têter. Décidément cet accouchement aura été n'importe quoi. Elle avait regardé rapidement sa fille, parfaite, dodue, hormis le fait qu'elle ne bougeait pas le bras gauche. Et le fait qu'elle criait à corps perdu dès qu'elle la touchait. C'aurait été tellement bien qu'elle tête ! Elle-même entreprit de faire sortir le lait, provoquant quelques faibles contractions. Mais elle ne pouvait pas pousser et toucher ses seins en même temps. Elle tira un peu sur le cordon, mais ça saignait toujours, un peu plus maintenant, comme le petit filet d'eau qui sortait de sa corne quand elle faisait boire son fils. Puis plus abondamment. Bientôt, la terre ne parvint plus à absorber tout ce qui coulait; cela formait à ses pieds une flaque boueuse qui couvrit ses pieds dénudés d'un mélange noirâtre et gluant. Se sentant faiblir de plus en plus, elle coupa le cordon de sa fille entre le noeud de lune et le noeud de pierre, en souvenir de la pierre moussue. Elle posa la petite à côté d'elle, ce qui la fit hurler de plus belle.

Tout était flou devant ses yeux, et faiblement, elle appela Erneldur en un souffle, brisant un des plus vieux rites d'enfantement.

 

Le placenta ne s'était pas délivré.

Il avait libéré sa fille, mais en échange, il l'emporta.

 

------------------------------------------------

 

Erneldur frissonna de joie et se retourna aussitôt à l'appel de son nom, sur le qui vive d'un mot de sa compagne depuis au moins une demi-heure. Décidément cet enfant l'aura fait attendre ! Le soleil se couchait et il faisait bien plus sombre maintenant. En faisant semblant de ne pas paraître empressé, car tout cela n'était qu'affaire de femme et qu'il avait encore le souvenir cuisant du dédain de Treïa tout à l'heure, il alla rejoindre son enfant et sa femme à l'ombre de la pierre moussue. Il sourit en regardant la petite, plutôt forte, qui hurlait toute enveloppée de la peau jaune. Le regard heureux d'Erneldur glissa sur Treïa, qui s'était affaissée sur le côté. Les saignements s'étaient arrêtés, mais ils couvraient encore ses cuisses et ses jambes, commençant à sécher. Ca sentait le sang et la terre humide.

 

Le sourire se figea sur le visage d'Erneldur. Il se précipita en gémissant.

« Non non non non …! » fit-il en attrapant Treïa sous les aisselles pour la redresser. Mais son esprit avait déjà quitté son corps. Elle avait les yeux clots et le visage livide, blanc comme la lune. Ses lèvres d'habitude charnues et roses étaient indiscernables du reste de son visage.

Il porta deux doigts à son cou qui se refroidissait petit à petit, mais aucun battement ne venait l'agiter. Les larmes débordèrent des yeux d'Erneldur qui se mit à crier de désespoir. Oubliée, la petite. Oublié son fils dans la tente qui s'était maintenant réveillé et pleurait lui aussi. Seule la blessure de la perte de Treïa ouvrait son coeur en deux.

 

Ainsi se termine l'histoire de Treia et Erneldur, qui vivaient il y a quelques milliers d'années dans un monde sans sage-femme, ou presque. C'est encore l'actualité dans bien des pays de ce monde.

Tâchons de ne pas l'oublier.

 
Des mondes sans sages-femmes à lire chez :
 10lunes : http://10lunes.canalblog.com/
  Bruit de Pinard : http://bruitsdepinard.canalblog.com/

Ella : http://ellaetvalentin.blogspot.fr/
Miss Cigogne : http://misscigogne.overblog.com/
Marjeasu : http://marjeasu.blogspot.fr/
Knackie : http://betadinepure.eklablog.com/
Ellis Lynen : http://ellis-lynen.over-blog.com/
NiSorcièreNiFée : http://nisorcierenifee.wordpress.com/
SophieSageFemme : http://liberteegalitematernite.com/
Jimmy Taksenhit : http://orcrawn.fr/

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3 avril 2013 3 03 /04 /avril /2013 22:58

 

P1010811.JPG

Nous sommes assises toutes deux sur le lit. Je la regarde en silence depuis de longues secondes alors qu'elle contemple le vide devant nous.

"Vous comprenez, j'ai dormi de 3 à 5h et... et je panique parce que je ne sais pas ce qui s'est passé pour Eleonore pendant ce temps là."

Elle se lève brutalement et va voir, paniquée, la petite qui dort paisiblement dans son berceau. Elle s'arrête brusquement et la contemple, figée. Les yeux dans le vide, elle ajoute: "Elle s'est griffée le visage. C'est grave?". Tout doucement, je dis que non, ce n'est pas grave. Tous les bébés se griffent le visage. 

Un silence passe.

"Vous comprenez, j'ai dormi de 3 à 5h et je ne sais pas ce qui s'est passé pendant ce temps là.

- C'est normal, il faut dormir. Vous n'êtes pas trop fatiguée?"

Elle me lance un regard furtif puis détourne aussitôt le regard.

"J'ai mal à la cuisse. Vous croyez qu'on va m'opérer?

- Non. C'est les ligaments, c'est dû à l'accouchement. Tout va bien, j'ai regardé.

- Vous êtes qui?

- Je suis Ellis. Je suis sage-femme."

A mon tour je me lève, et vais contempler sa fille avec elle. Je souris, elle est mignonne comme tout. Elle porte un pyjama jaune canari du plus bel effet qui fait ressortir ses bonnes joues roses à bisous. Elle lui a laissé son bavoir, un peu taché de lait. Elle dort, totalement inconsciente de ce que la vie lui réserve, alors que moi je commence à entrevoir des choses compliquées pour un si petit être. Pour l'instant, Eleonore ne connait que la voix de sa mère et les battements de son coeur. Elle connaît son odeur et se doute sans doute déjà de l'amour que cette femme lui porte. Un amour très fort et désespéré. Car sa maman panique, je le sais, je le sent. Sa maladie la rattrape et elle sait ce qui va se passer si la maladie gagne.

Après un temps contemplatif, brutalement la femme retourne s'asseoir et regarde dans le vide.

"Son dernier biberon date de quand?"

Silence. Et le silence traine.

"Madame?"

Elle ne me répond pas. Elle est emmurée dans sa tête, où les choses tournent et tournent sans cesse à une vitesse vertigineuse. Après une minute ou deux, je repose la question et elle me dit que cela doit dater de la veille au soir. Mais je sais déjà qu'elle lui a donné le biberon 2h auparavant. Elle ne s'en souvient juste pas.

Ce sont mes collègues auxiliaires de puériculture qui sont venues me chercher à peine les transmissions finies à 8h30 pour me dire que ça n'allait pas. Les unes après les autres, elles sont venues, inquiètes, parce qu'elle n'était pas comme d'habitude. Cela fait 3 jours qu'elle a accouché, et alors que tout se passait bien, elle décompense brutalement sa schizophrénie là où d'autres font un simple baby blues. Oh, elle est connue sa schizophrénie. Mais alors qu'elle, elle s'inquiète d'avoir trop dormi, moi je m'inquiète qu'elle ne l'ai justement pas assez fait.

"Vous êtes qui?

- Ellis, je suis sage-femme.

- Ah. Vous savez, j'ai dormi de 3 à 5h cette nuit et je ne sais pas ce qu'Eléonore a fait pendant ce temps là.

- Ne vous inquiétez pas, elle va bien. Je vais vous laisser. N'hésitez pas à m'appeler dans la journée si ça va pas. D'accord?"

Le silence me répond. J'insiste.

"D'accord?

- D'accord."

Je hoche la tête, et tout doucement je sors.

 

Peut-être qu'elle va oublier de me rappeler.

Pour l'instant, elle ne délire pas, elle n'est pas dangereuse.

La seule vraie question est : où est mon téléphone? Parce que moi je ne vais pas oublier d'appeler son psychiatre.

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14 mars 2013 4 14 /03 /mars /2013 18:01

http://farm4.staticflickr.com/3070/2404047194_bd8b47411c_z.jpg

 

Une belle courbe dessine le profil

Doux et pâle, de ce fruit interdit

Que l'enfant malhabile

Porte à sa bouche, ravi.

 

Passé le premier émoi

De ces sensations merveilleuses

La femme étonnée découvrira

Sa poitrine douloureuse:

 

Car l'angelot a ravagé le mammelon

Transpercé de crevasses et de phlyctènes,

Il a arraché la fine peau marron

De l'aréole qui maintenant saigne.

 

On a l'impression de voir Beyrouth

Le lendemain d'un bombardement

Sauf que c'est un enfant qui broute

De bon coeur, le sein de sa maman!

 

Femmes qui devenez mères,

Sachez que l'allaitement à la maternité

Rime moins avec sucré qu'avec doux-amer.

Donc n'oubliez pas de remercier

Sages-femmes et auxiliaires

Qui pansent les coeurs et les plaies

Eloignent les belles-mères

Et vous aident, malgré tout, à réussir votre projet.

 

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5 mars 2013 2 05 /03 /mars /2013 14:38

http://www.deedeeparis.com/blog/wp-content/uploads/2010/06/Tatie-Danielle1.jpg

Je ne suis pas raciste. Je ne suis pas homophobe. Je ne suis pas perverse. Je ne suis pas gérontophobe. Je ne suis pas xénophobe. Je ne suis pas difficile culinairement parlant.

Je ne suis pas difficile du tout, en fait.

Pourtant, je suis loin d'être un ange. Car moi qui me targait d'être l'apologie même de la tolérance il y a quelques années, j'ai découvert que j'étais en réalité connarphobe. Et je suis intolérante pour les intolérants, donc intolérante envers moi-même.

Ce qui m'a donné envie d'écrire cet article, c'est d'avoir croisé une femme il y a 20 minutes au carrefour market de mon quartier; la cinquantaine mal tassée, le cheveux gras, teint, et dont on voit la racine grise argentée, le teint pas frais - et j'en suis sûre, alcoolique - elle rôde déjà dans le magasin désert quand je passe les portes automatiques. Moi je me suis résolue à juste aller chercher mon pain complet ici puisque la boulangerie est fermée. Je me saisis de ma boule de pain, puis me dirige vers les caisses vides.

Mais voilà, je n'avais pas anticipé la connerie de ce personnage qu'était cette femme peu ragoûtante. En me voyant me diriger vers les caisses, prise de panique, elle se met à COURIR pour passer la première. Et là, je l'ai vue ; j'ai vu la connerie qui émanait de cette femme. Ca formait un halo qui me révulse, et j'ai dû me pincer pour pas grimacer.

Je fais donc la queue derrière elle, m'attendant à voir surgir d'autres conneries, car quand ce halo colle à quelqu'un, c'est pour tous ses actes de la vie quotidienne : ses courses, bien sûr, mais aussi le coiffeur, le tabac presse, le poissonnier, la conduite etc... elle ne pouvait donc pas se contenter de courir à la caisse pour être la première.

Elle dit à peine bonjour à la caissière qui passe ses 3 articles.

"Ca fait 8€43."

Cette femme n'aurait pas eu la présence d'esprit de chercher son porte monnaie ou de commencer à ouvrir son sac à main aussi bordélique que le mien avant que la caissière n'attende la monnaie. Elle essaie donc d'ouvrir son sac, pas de bol (ou mauvais coup anticipé?) la fermeture éclair bloque.

"Vous avez des sacs?

- oui, à 20centimes?

- oui.

- ça fait 8€63."

Mais le problème de la fermeture éclair ne se résoud pas en demandant un sac plastique. Finalement, avec un grognement, elle parvient à la forcer. Fouille dans le sac. Finit par sortir le porte monnaie.

"C'est combien déjà?

- 8€63."

Elle lui tend le billet de 10€ qu'elle tenait déjà dans sa petite pogne. 8€63 ou 8€90, ton billet aurait suffit, t'inquiète.

Elle attend patiemment, passive, que la caissière lui rende la monnaie. Elle prend les pièces, le ticket, et les étale sur le tapis roulant pour vérifier le compte.

...

Puis enfin, elle consent à mettre ses courses dans son sac. Puis il faut ranger la monnaie, elle trie presque les pièces.

La caissière, sentant qu'elle va devoir bientôt gérer un meurtre à main nu à cause de la cliente que je suis, décide de m'encaisser. Puis après j'ai fuis, fuis car le halo commençait à me contaminer.

 

Je suis sûre qu'à force d'y être exposée, moi aussi je suis en train de devenir une vieille conne. Ca m'inquiète beaucoup. Pour l'instant je n'en suis qu'au stade où je grogne dans ma tête et sur ce blog, mais à quand le passage à l'acte? Bientôt je ferai une remarque désobligeante qui ne servira à rien à part ralentir le connard (si c'est possible), et puis ensuite passerai-je aux actes? Serai-je capable de faire bouffer la monnaie à cette femme? De lui coincer mon pain complet dans la gorge?

Mes pulsions m'inquiètent. Peut-etre que je suis trop patiente avec les patientes et mes amis pour pouvoir l'être avec le parfait inconnu.

 

Mort aux cons.

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1 mars 2013 5 01 /03 /mars /2013 16:50

Pendant les gardes de nuit, il existe une ambiance particulière, calme et secrète, propre aux confessions les plus intimes entre collègues. J'ai découvert qu'une de mes collègues, la quarantaine, auxiliaire de puériculture, est gothique. La seule fois où elle a porté autre chose que du gothique, c'était à son mariage, et c'était une surprise pour son mari. J'ai appris comment des collègues voulaient se marier. Les régimes. Les activités, le théâtre, la zumba, le tennis, la danse classique. Les recettes. Les bons coins autour de SN. Les anecdotes. Les blagues.

On  a regardé des vidéos. "Allez viens, viens, on est bien." Les lipdubs des maternités. J'ai fait découvrir la marmotte psychopathe.

 

J'ai donc été amenée à me livrer aussi. "Et toi Ellis, tu as quelqu'un dans la vie?". "Tu viens d'où?" "Tu manges TOUJOURS du thon et de la tomate???" (ça c'était cet été). Mais surtout, surtout, j'ai avoué mon rêve ultime.

 

Avoir un ch'val.

 

 

http://gifsadoudou.g.i.pic.centerblog.net/hheb053b.gif

 

Mon ch'val serait un Haflinger. C'est une sorte de grand poney/petit ch'val assez costaud avec une robe alezane aux crins blancs. Ils sont gentils.

Bon, en soit, mon projet, avoué en rougissant et la voix tremblante (ça fait un peu j'aime les licornes) n'a pas provoqué une vague d'hilarité. Mes collègues m'ont dit après posséder eux même des chevaux.

Avec un regard louche.

"Pourquoi vous avez un regard bizarre comme ça?

- Non oh bah... c'est un beau projet d'avoir un cheval. Bon. Après faut s'avouer que euh...

- Oui...? (ton inquiet) C'est beaucoup de travail c'est ça???

- Euh oui, oui... mais c'est pas vraiment ça le problème...

-...?

- Ben faudra surtout réussir à recaser le cheval quand tu auras un mari et des enfants. Et ça c'est la merde."

Je me suis demandée si le fait d'avoir un cheval était plus emmerdant ou non que d'avoir un mari et des enfants. Ca avait l'air de ne pas être très clair sur la relation de causalité. En tout cas, il semble admis que c'est incompatible, puisque l'ensemble de mes collègues a hoché la tête d'un air entendu.

"Bah oui Ellis, un cheval ça demande de s'en occuper tous les jours... et quand ton mari ne veut pas t'aider, et qu'en plus faut s'occuper de ton enfant, du ménage, du repassage pour toute la famille... il faut replacer le cheval. Revendre le matériel. Le terrain.

- Ouais... (je ne vois pas vraiment le problème, il suffit de ne pas avoir d'enfant ni de mari, ce qui m'a l'air bien parti)"

Et comme mes collègues ont l'air de lire sur mon visage :

"Tu n'as peut-être encore personne mais ça va venir."

 

Pression sociale : ON.

 

"Je peux vous dire la suite de mon projet?

- Oui vas-y !

- Alors je ne travaillerai plus à SN.

- Ah bon???

- Ben je veux avoir un chalet en montagne, avec un grand terrain où mes chevaux seront en liberté autour de moi. J'irai en garde à cheval. La maternité aura un terrain fait exprès juste à côté, où mon petit Hafly pourra courir toute la journée. Et le soir, mes crocs attachées dans mon dos, je remonterai dans mon chalet. Ou alors je m'installerai en libéral et j'irai chez les patientes dans la montagne avec Hafly.

Mon chalet aura une petite terrasse couverte à l'américaine, avec un rocking chair, pour prendre le thé avec une grosse couverture. Et quand mes amis viendront en vacances chez moi, j'irai les chercher à la gare à cheval, avec le deuxième cheval sellé. Les valises grimperont avec le bus, parce que je me serai fait des amis de mes voisins et des conducteurs de bus, et on rejoindra chez moi à cheval. On aura un magnifique point de vue avec un coucher de soleil sur les montagnes."

 

Un petit silence suit. Une collègue m'a regardé avec un petit air désolé, a prit mes mains dans les siennes, m'a regardé dans les yeux et m'a dit : 

"Ellis? T'avais ouvert le protoxyde d'azote à ton accouchement?

- Mais... mais non ! Mais c'est réalisable non?"

Ils ont tous secoué la tête en silence. En deuil. Personne n'a osé casser mon rêve en disant non à voix haute. On a embrayé avec la météo. Sec et froid.

 

Je sens que personne ne croit à mon rêve. Bouhou.

 

http://www.b2b-lonelyplanet.fr/flux/data/ADN2/lp_images/austria/1.jpg

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11 février 2013 1 11 /02 /février /2013 02:05

http://farm8.staticflickr.com/7152/6809471143_a8151b9dbe_z.jpgQuand ils sont arrivés, je n'y ai pas cru. C'était un troisième enfant, elle avait une contraction douloureuse toutes les 30 minutes depuis 3h. Rapide calcul : elle en avait eu 6.

 

Il y a deux manières d'envisager le travail de sage-femme, ou de professionnel de santé en général. La première, c'est celle à laquelle on est formaté, parce qu'on doit forcément passer par là dans notre développement : protocoles médicaux, réponses catégoriques, et mine de rien, un peu de paternalisme car finalement, nous, après plus de deux cent accouchements, on sait ce que c'est d'accoucher. Certains se contentent de cette option toute leur carrière.

La deuxième manière d'envisager la santé et l'accouchement, c'est d'écouter, faire confiance et laisser choisir les gens sur ce qu'ils veulent faire de leurs vies.

 

Vous allez vous dire que je me la pète tranquillement en me plaçant tacitement dans la seconde catégorie. Non, honnêtement je n'y suis pas encore, on va dire simplement que j'y aspire, et de plus en plus. Je me rends compte que plus je me fais confiance, et plus je fais confiance à ces femmes, moins j'ai de "merdes". Appelez ça comme vous voulez, une "merde", c'est dans le jargon professionnel "un travail foireux", un accouchement "boucherie", une "fessectomie" (comprendre : une épisiotomie large et franche voire trop.) etc.

Encore une fois, je ne dis pas que je bosse mieux que les autres, et heureusement, car dans mon équipe j'ai des collègues formidables à qui je demande très souvent leur avis. 

Mais je sais maintenant où je veux aller.

 

Ainsi, j'ai pris l'habitude d'expliquer quasiment tout ce que je fais comme soin ou comme médicament, sur pourquoi et comment. Et généralement, je demande aux femmes si elles sont d'accord.

Ca les perturbe énormément.

" C'est vous qui savez." ressort souvent, ainsi que  "C'est votre métier, faites ce que vous voulez." ou bien encore "Ben j'ai pas le choix de toute manière!" Et moi de répondre que si, bien sûr, qu'elles ont le choix. On a toujours le choix, et jamais je n'obligerai une femme à subir quelque chose en outrepassant son avis, sauf si cela met en jeu sa vie et celle de son enfant. Car quand on prend un peu de distance, en quoi ai-je totale impunité sur ce que je fais aux corps et aux vies des femmes et des enfants que j'accompagne? Existe-t-il une loi qui les oblige à se soumettre à la sage-femme ou au médecin qui est de garde le jour où elles accouchent? Doivent-elles signer lors de leur inscription à la maternité un contrat avec moi qui me donne tous droits sur leurs vies?

Non. Bien sûr que non.

 

Aujourd'hui, notre époque vit un bouleversement sur ce rapport de force qui s'était installé entre le professionnel soignant et le patient. La notion de droit des patients a commencé à s'insinuer dans nos pratiques depuis la loi de 2002. Avant, cela n'existait pas. Et pour certains, cela n'existe toujours pas.

 

Pour illustrer un peu le propos, voici une anecdote qui s'est déroulée il y a quelques mois.

Dans ma maternité-chérie, alors que tout se passait très bien pour le travail d'une femme dont c'était le 4eme enfant (je vous trace brièvement l'histoire, elle était dépendante au cannabis, et certains professionnels l'avaient flippé/culpabilisée sur la santé de son enfant qui en patirait sûrement à la naissance alors qu'en cherchant un peu plus loin, ce fameux enfant ne risquait rien de grave), un médecin que je n'aime pas trop a mit son nez dans la salle, comme ça, pour voir. Sans frapper, il a ouvert la porte alors que la femme avait les cuisses ouvertes pendant que je l'examinais (allelujah, je met toujours un drap sur la femme au cas où). Il n'a pas non plus dit bonjour.

Il y a certains gynéco-obstétriciens que j'aime bien (une majorité), en qui j'ai totalement confiance et que j'aurais été ravie de voir rentrer, d'une parce qu'ils auraient frappé, de deux parce qu'ils auraient dit bonjour et se seraient présentés. Mais pas celui là.

"Elle est à combien?" il me demande, en regardant le tracé du monito.

Je n'ai pas répondu. Il a du coup été contraint de me regarder, et quand j'ai annoncé la dilatation et la présentation, j'ai regardé la femme. Car ce médecin, je ne lui doit rien.

"On est à dilatation complète, et le bébé est bien engagé maintenant. Félicitations madame!"

Oh, la femme, elle ne me regarde pas. Elle regarde le médecin, et je vois la panique dans ses yeux. J'arrive à lire dedans, elle pense forceps, césarienne, elle pense tout alors qu'il n'y a aucune raison.

"Ben fait la pousser.

- On s'installera quand elle en aura envie."

Il rigole.

" Des bêtises ! Depuis quand on leur demande leur avis?"

En cachant soigneusement la dame, je retire ma main, enlève le doigtier et nonchalamment, le lui balance dans la gueule, l'aspergeant de sang, de liquide amniotique et d'un peu de glaires vaginales.

Ah non merde, c'est ce que j'aurais aimé faire.

Je retire le doigtier et le met à la poubelle, sans répondre. Je me retourne vers la femme, qui me regarde en silence, prête à se remettre entièrement à nous, et j'ai honte. Honte qu'il ait dit ça. Honte de ne pas avoir le culot de le foutre dehors avec un coup de pied au cul. Mais mon devoir de confraternité m'en empêche, un devoir que visiblement lui ne se sent pas le devoir de respecter.

"Vous voulez qu'on s'installe pour la naissance?" fais-je en regardant la femme.

Le médecin prend un air ahuri en me fixant. Et je prie de ne pas avoir besoin de l'appeler pour une ventouse car je suis persuadée qu'il prendra son temps pour venir.

"Oui?" fait-elle en regardant le médecin.

Il est sorti. Et on s'est installé pour la naissance.

 

Mais l'histoire ne s'est pas arrêtée là. Le bébé a effectivement un peu faibli sur la sortie, mais elle poussait super bien son bébé et je savais que dans quelques secondes, il serait là, avec nous, et qu'ils ont bien le droit de faiblir un peu les bouts de chou, du moment que ça ne dure pas 10 ans. Les monitos sont retranscrits sur les ordinateurs de notre bureau, et ce fameux médecin est rentré, sans frapper, au moment d'une contraction et où la femme allait enfin sortir son bébé toute seule. J'ai sû, après, que l'interne avait interdit à son chef de venir, (on a une interne qui dépote) car je ne l'avais pas appelé. Il est venu quand même. La femme a arrêté de pousser. A commencé à pleurer car elle a vu forceps, ventouse. Le médecin ne l'a pas regardé, a regardé la tête qui était en train de sortir.

"Ah, il est là!

- Oui. Je n'ai pas besoin de vous."

Il est ressorti. J'ai passé 2 minutes à recadrer la femme qui était maintenant terrorisée, ne comprenait pas pourquoi le médecin était venu (moi non plus je n'avais pas compris), et enfin, elle a sorti son bébé. Elle l'a attrapé et s'est mise à pleurer de soulagement.

 

Quand je suis sortie, j'avais la rage. La vraie rage. Celle qui vous fait aller le trouver et demander d'un ton peu amène qu'il vienne plutôt quand on avait vraiment besoin de lui. Mais il était parti.

 

Le souvenir de cet homme, car oui, rappellons nous que ce personnage est simplement un homme, il va pisser, il va chier et il pigne quand il se cogne le petit orteil au coin de la table, cet homme incarne ce que je ne veux pas être et ce que je ne serai jamais. Il rejoint les rangs des gens que je suis heureuse d'avoir rencontré pour pouvoir dire qu'ils existent, et qu'ils ne me ressembleront pas.

Et bien cet homme me fera devenir une sage-femme qui demandera toujours si une femme est prête ou non à faire naître son enfant. Car c'est le sien. C'est son accouchement. Et c'est sa vie. Et elle poussera toujours 3 fois mieux quand elle l'aura voulu plutôt que pour un homme comme lui.

 

Bref, tout ça pour finir ma première histoire. Cette femme, dont c'était le 3eme enfant, qui avait ses contractions par 30 minutes. Je lui ai demandé si elle pensait que c'était le bon moment. Elle m'a dit oui. Elle a accouché, comme elle le souhaitait, 2 heures plus tard, sans péridurale, en ayant prit un bain, fait du ballon, marché, eu un monito en discontinu. Je n'ai pas rompu la poche des eaux alors que ça n'avançait pas franchement. Elle a accouché debout, elle a elle même attrapé son enfant. On a attendu que le cordon cesse de battre pour que le papa le coupe ensuite. J'ai même cédé en leur donnant un petit bout de placenta pour qu'ils plantent un arbre dessus dans le jardin, comme pour leurs deux ainés.

Avant, je prenais ces femmes pour des hallucinées. Mais je comprends de plus en plus qu'on veuille accoucher comme ça, car après tout qui suis-je pour les juger? Le papa m'a prise dans ses bras après la naissance en me remerciant d'avoir fait en sorte que ça ne se passe pas comme pour les deux premiers. Moi, j'avais eu peur car je les suivais dans l'inconnu en prenant des risques, pour moi, pour mon confort psychologique, et pour un éventuel procès si ça se passait mal.

 

Mais après tout, ça valait le coup.

 

Alors oui, je sais quelle sage-femme je serai. Ce que je ne sais pas, c'est si je veux un jour faire des accouchements à domicile (dans un cadre organisé et sécurisé bien sûr), ou devenir libérale et faire des accouchements sur plateau technique, avec enfin la possibilité de réaliser "une femme, une sage-femme". Un jour, oui, peut-être. On verra.

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22 janvier 2013 2 22 /01 /janvier /2013 23:22

http://1.bp.blogspot.com/_-ItYg6_Dhko/TIjX9uJYQoI/AAAAAAAACpY/E1Xj8a4Adcc/s1600/%C3%A9crire+est+une+arme.jpg

 

C'est une amie sage-femme qui vient de me dire "Oh, tu sais que tu as été tagguée sur le blog de Ni Sorcière Ni fée?" Au début, j'étais étonnée et perplexe. J'ai toujours l'impression que peu de gens lisent ce que j'écris, alors de là à être carrément tagguée par un autre blogueur , qui plus est Ni sorcière Ni fée, dont certains articles ont réussi à me saisir et me pétrifier sur mon fauteuil ! Rapidement, ce concept de chaine de blogueurs (sages-femmes!) devant écrire un article sur ce que c'est d'écrire m'a plû, et j'ai remonté la chaine jusqu'à l'article original de Passeur, avant de m'atteler à mon tour à cet exercice.

 

A l'origine de tout, je pense, il y a eu l'école primaire.

Mes premiers textes ont eu un succès mitigé; en CE1, mes parents ont été convoqué par l'institutrice parce que j'étais destinée à ne pas devenir une littéraire. Avec un air un peu désolé, elle a dit à mes parents que je ne saurais jamais prendre goût à l'écriture et la lecture et que mon cas était même un peu inquiétant.

Au collège, jeune fille trop grande, remarquable par sa coupe de cheveux ratée de 6eme (quoi de mieux pour passer cette étape délicate entre le primaire et le collège que de porter une coupe à la garçonne? Merci maman, les surnoms que mes tortionnaires ont daigné m'attribuer, "Touf-touf" et "Mme Doubtfire" resteront marqués au fer rouge. ), je me faisais allègrement cracher dessus au visage par les "filles de 3eme" et bousculer à la sortie des cours. J'ai appris à refouler, à ne rien dire, et à ne rien montrer. A feindre l'innaccessible. Pendant des années. Je lisais, et préférais vivre dans les livres et dans les mondes et les vies que je m'inventais plutôt que dans cette vie si peu flatteuse où je n'étais rien.

Le lycée a continué ainsi, mais la colère était montée en moi jusqu'à un seuil où ça débordait. Cette colère de se sentir piégée et de ne rien pouvoir exprimer. Mes amies de l'époque ne me ressemblaient pas et je ne leur parlais pas de tout ça.  J'ai décidé d'écrire dans mon agenda, ma vie, mes colères, mes amours.

 

Un garçon s'y est intéressé. Il m'a demandé à lire cet agenda. Et je lui ai fait lire. Il a écrit un petit mot sur une page, auquel j'ai répondu. Entre nous s'est instauré une relation épistolaire de plusieurs années; il est devenu un excellent ami, et j'ai découvert le goût de partager mes écrits. J'ai décidé de tenir un blog dès qu'internet est arrivé chez mes parents, donc très vite en terme de geekitude. J'ai écrit et tapé des histoires, des textes, des backgrounds de donjon et dragon... mon imagination pouvait enfin s'exprimer.

 

J'ai changé de plateformes de blogs comme on mue, en évoluant en style et en intérêts.Mais finalement, avec la découverte du métier de sage-femme, de l'obstétrique et du vaste champs de l'éthique, j'ai aboutit progressivement à parler surtout de mes études. Et je pense que ce blog ne sera, comme les autres, qu'une étape figée de ma vie le jour où je déciderai de parler de chaque semaine d'aménorrhée de ma première grossesse, de mes nausées, de mes contractions, de mes pertes vertes mousseuses et de mes rendez vous chez le gygy. Et c'est sans compter mes problèmes de crevasses et mes recettes de gateaux de lait maternel.

 

Sérieusement, je suis très attachée à ce lien que j'ai avec mes blogs (presque fusionnels, désolée pour le côté psychopathologique qui vous fait frissonner) ; mes périodes de silence sont le reflet de ma vie, tout comme mes périodes d'hyperactivité. Changer de bannière pour quelques patates différentes n'est pas anodin, je change simplement d'état d'esprit. Si un psychiatre veut se lancer dans un nouveau tye d'analyse psychiatrique, je suis matière à expérimentation. Je me porte même volontaire.

Je ne peux pas nier qu'écrire, aujourd'hui, c'est pour moi très narcissique et valorisant. Oui, je prend comme une fierté personnelle d'avoir 8 "j'aime" facebook sur un article. Un commentaire éclaircit ma journée (s'il est positif, sinon ça me la ruine). Et j'aime même des fois relire ce que j'ai écrit, en me disant qu'à un autre instant t , je n'aurais pas écrit la même chose. C'est un peu une photographie de mon état d'esprit à un moment, une sorte d'album photo.

 

Mais l'objectif ultime, c'est bien de réussir un jour à faire ma JRR Tolkien et d'écrire une histoire que je consignerai dans ce grand livre en cuir vierge que ma grand mère m'a offert le jour de ma naissance  :)

Et seuls les VIP y auront accès !

 

 

Et puisqu'il faut tagger, taggons ! Je ne suis pas membre du collège des blogueurs SF assidûs, mais j'aimerai bien avoir un petit article de 10 Lunes :) Et de tant d'autres blogueurs, médecins généralistes (ya de la crême chez eux aussi) et même de ceux qui ne sont rien de particulier mais qui aiment écrire ! 

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16 janvier 2013 3 16 /01 /janvier /2013 21:34

 P1000123guinNous poussons la porte, puis la seconde porte. En un regard nous embrassons la pièce, où règne le silence. A droite, le bar, avec quelques personnes assisent au comptoir. Il y a deux couples, la cinquantaine bien tassée, habillés chichement d'énormes pulls de laine blanc cassé dans lesquels ils semblent nager, de pantalons simples et de grosses chaussures. A mon « Hi! » me répondent seulement des hochements de tête, et peut-être un salut discret.

A gauche sont assis 6 hommes, en cercle, qui sur la banquette de bois, qui sur les nombreux tabourets qui parsèment la pièce. Sur les tables entre eux s'amoncellent des pintes de guiness vides, ou semi-pleines, avec cette mousse blanche épaisse qui s'accroche aux parois froides du verre. Ils nous regardent, tous. Et pour cause, ce n'est pas moi qu'ils regardent, mais bien le couple de français de mon âge, Clémence et Thomas, que j'ai rencontré plus tôt dans la journée. Ils sont violoniste et guitariste - enfin, bouzoukiste - et ils portent précieusement leurs instruments à la main, cachés dans leurs boites. Dès lors, le respect et l'attention des musiciens présents leur est acquise : les 6 hommes ont justement leurs propres instruments sur les genoux, violons, guitare folk, accordéon diatonique, banjo, flûtes irlandaises posées sur les tables... et toujours ce silence. Un des violonistes, un homme, la quarantaine, portant lui aussi son gros pull en laine d'Aran alors qu'il semble fin comme une baguette nous invite à nous asseoir là où ils avaient laissé leurs affaires. Eux-mêmes sont assis dans la partie du bar réservée aux musiciens, où même sans estrade ni spot lumineux, ils dominent la pièce.

 

Nous commandons nos propres guinness. La guinness est longue à servir, puisqu'elle se tire en pression en deux fois. Après que le barman nous ait dit que la seule bière digne de ce nom en irlande était la guinness avec un petit regard dédaigneux vers sa propre affiche d'une autre bière locale, il rajoute donc la deuxième pression. Cela fait deux fois que je fais l'erreur de tenter de payer ma consommation entre les deux pressions de ma consommation, puisqu'il y a un temps d'attente de quelques minutes. Mais à chaque fois – à Dublin et à Dingle donc – les barmen m'ont jeté un regard qui était clair comme de l'eau de roche, et qui disait « je ne t'encaisserai pas avant la deuxième pression ». Rituel, ou simple goût de savoir prendre le temps de faire les choses dans l'ordre? Je ne sais pas, mais ça m'a rappelé à quel point j'ai une mentalité déformée par la rentabilité de mon temps et de celui des autres. Un temps libre comme celui entre ces deux pressions de Guinness me semblait un temps perdu s'il n'était pas rentabilisé par l'encaissement.

Maintenant je ne sais plus si les temps libres ne sont pas finalement précieux.

 

Nous nous asseyons à une place privilégiée, presque dans le cercle. Une fois installés, ils entament un de ces airs irlandais qui me transportent: c'est l'accordéoniste qui lance l'air, c'est d'ailleurs lui également qui semble dominer le groupe de musiciens. D'un pas énergique il donne le rythme, et entame les premières notes afin que tous, sans un mot, sachent quel air suivre. Rapidement, les deux violonistes se mettent en branle, rajoutant la mélodie comme si elle venait naturellement se placer sur les accords qui sonnent déjà. Puis le guitariste, avec un faux air de Mouloudji, redonne un peu de fond et de rythme. Enfin, le banjo, et un homme bedonnant dont je n'avais pas noté l'originalité de l'instrument - pensant tout d'abord à un biniou – rajoutent en dernier leurs notes aiguës et un peu grinçantes. La vitesse de leur jeu m'épate. Je me concentre sur l'accordéoniste, et admire son jeu. Ils réalise avec une virtuosité et un tel semblant de facilité les poussés-tirés que j'en reste épatées; ses doigts volent sur les boutons. Je me penche alors vers Thomas, et lui demande discrètement quel est l'instrument qui ressemble au biniou sans en être. Il se penche à son tour vers moi et me murmure :

« C'est un uilleann pipe. Une forme de cornemuse qui se gonfle au coude.

- Ca ressemble à un biniou.

- L'origine de cet instrument vient de l'interdit imposé par les anglais, il y a quelques centaines d'années, de l'utilisation des instruments qui se gonflent à la bouche parce qu'ils incarnaient le paganisme. Les cornemuses, tu vois. Du coup, les irlandais ont inventé le uilleann pipe. Une cornemuse qui se gonfle au coude. C'est un instrument typique irlandais. Légende ou réalité... en tout cas l'histoire est sympa. »

Puis, très sérieusement, il se retourne vers les musiciens, notant dans son petit carnet la composition du groupe et les airs reconnus. Moi, cette histoire d'invention d'un biniou de coude me fait sourire, et je vois dans le choix de jouer de cet instrument le caractère de cet homme.

L'air se termine. Après un temps d'applaudissement, de nouveau le silence s'installe.

« Can I make some photos? je demande, trouvant ma voix limite grossière dans cette ambiance particulière.

- Sure ! Me répond l'accordéoniste avec un grand sourire sincère. Le joueur de banjo, qui a un air un peu allumé, les cheveux poivre et sel mi-longs et un tee-shirt blanc à motif informe, fait semblant de prendre la pose avec son banjo pendant que ses comparses s'esclaffent.

- Thank you, je réponds avec un petit sourire intimidé. »

C'est que personne ne parle, ou peu, ici. Mais du coup j'initie l'échange entre eux et nous, et le violoniste avec son pull d'Aran qui nous avait invité à nous asseoir regarde Clémence et lui montre toujours en silence le tabouret en face de lui.

« Can I join the seisún? Are you sure? »

Et lui de hocher à nouveau la tête en insistant du geste. Cet homme a l'air avare de ses mots, mais semble d'une politesse et d'une gentillesse irréprochable. Clémence, avec un regard pour son compagnon Thomas qui insiste pour qu'elle y aille, sort finalement son violon de sa boite, prend son verre et va s'asseoir sur le petit tabouret. Ils l'accueillent tous d'un sourire et attendent patiemment qu'elle sorte son archet et son instrument et soit prête à jouer. Cette fois ci, c'est le violoniste à la laine d'Aran qui commence le morceau avec sa mélodie. Un air sans doute connu, pour permettre à Clémence de participer directement. Puis une fois les trois violons en choeur, l'accordéoniste démarre et un autre air résonne dans la pièce pendant qu'en silence, je prend des photos et buvant tranquillement ma propre guiness.

Alors que les morceaux s'enchainent, Thomas m'explique à mi-mot toute la subtilité du jeu de musique irlandaise.

Eux-même viennent de Lorraine, où – vous vous en doutez – ils sont peu à en jouer. Je lui fait remarquer que Clémence ne joue pas comme les deux autres, elle tient l'archet à un endroit différent, et tricote beaucoup du coude. C'est beau quand elle joue, cela ressemble à une danse; et visiblement elle excelle dans son jeu, au vu des compliments que le violoniste au pull lui fait à la fin d'un des morceaux. Il lui demande si elle vient de Bretagne, ce qui fait sourire Thomas, qui m'explique aussitôt qu'on les prend pour des bretons quasi systématiquement quand ils jouent.

« Je joue de l'accordéon diatonique, exactement celui qu'il a, fais-je en lui indiquant le musicien du menton.

- En sol ré?

- Euh... bonne question... fais-je en me sentant juste ridicule.

- En Bretagne c'est généralement des Sol Do.

- Ah oui oui c'est ça moi ! Je murmure en me souvenant de l'étiquette collée sur le sommet de mon accordéon. Mais c'est un diatonique, à deux rangs, comme lui. Je suis contente de voir qu'il n'y a pas forcément besoin de 3 rangs comme on voit tout le temps.

-Tu sais, dans le comté du Kerry, où nous sommes justement, c'est le pays de l'accordéon diatonique. Il y en a partout! Hier on est rentré dans un pub à Killarney où il y en avait 4 à jouer. C'est... trop à mon goût. »

Et là, fière, bêtement, de jouer d'un instrument à l'honneur en Irlande, j'ai affiché un petit sourire satisfait.

 

Les airs se sont succédés. A minuit, le barman – très sympa, au demeurant – a fait clignoter les petits spots pour signaler que ça allait fermer. Le joueur d'uilleann pipe a donc été se resservir une guiness pour bien faire comprendre – toujours sans un mot – qu'il comptait bien faire trainer la fermeture. Et c'est reparti... Finalement je suis rentrée vers 01h du matin, des étoiles dans les yeux. J'aime ce pays. J'aime ces gens qui se respectent, qui attendent que l'air s'échappant du pub soit fini avant de rentrer. J'aime ces gens qui prennent le temps, qui aiment la musique et jouer ensemble.

 

J'ai envie de savoir jouer de l'accordéon.

 

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